L'amour n'a pas d'âge
Que cela peut être horripilant, ces nids de curieuses qui radottent et déblatèrent avec une curiosité malsaine et une voix un peu pincée « Mais quand mêêêêmme, il est beaucoup plus âgé qu’elle ! » Et bien oui, une fois pour toute, qu’on se le dise, l’amour n’a pas d’âge.
Certaines aiment la peau douce et lisse des éphèbes, d’autres les traits marqués des hommes virils : les vieux ont été jeunes, les jeunes seront vieux et chacun y trouvera son compte.
Au risque de radoter moi aussi, je dirais que là encore, nous pouvons faire un parallèle entre les hommes et les vins. D’aucuns vont aimer la jeunesse d’un vin, sa candeur, sa timidité, parfois même sa spontanéité explosive, tandis que d’autres se laisseront séduire par la sagesse, le mystère et la complexité des arômes d’un vin qui a vieilli sereinement.
Oui, les vins évoluent avec le temps, ils changent, mais les terroirs s’expriment toujours. * Il y a ceux qui usent leurs défauts, ceux qui améliorent leur complexité ou encore ceux qui accumulent les stigmates du temps qui passe.
Mais faut-il choisir son camp définitivement ? Je ne crois pas… Les vins vieux, c’est une expérience à faire, indéniablement. Je suis embarrassée de vous dire ça car, pour dénicher un vin d’une année antérieure à notre naissance sans y laisser trop de plumes, il faut avoir le cœur bien accroché.
Mais n’oublions pas que les vins jeunes, eux aussi nous révèlent des merveilles. Il suffit d’entendre parler Michel Chapoutier de sa Marsanne*, décrire cette rigidité soutenue, cette amerture texturée… et dire haut et fort « Ce n’est pas parce qu’elle baisse les yeux qu’elle n’a pas de sensualité ».
Tout est là ! Ce que l’on recherche c’est le plaisir, la convivialité, un flirt rafraîchissant avec un vin dans la fleur de l’âge ou une relation spirituelle avec un vin dans la force de l’âge.
Faisons nous plaisir alors ! Filons visiter les vignobles, faisons les yeux doux aux vignerons pour qu’ils nous ouvrent leurs vieilles bouteilles et nous transmettent leur patrimoine. Usurpons une cave vide pour y stocker nos flacons qui sont encore dans leur prime jeunesse et armons nous de patience, car un jour ils auront pris quelques années (et nous quelques rides) et nous pourrons les déboucher avec ardeur pour en découvrir la "substantifique moëlle".
Mais ne philosophons pas trop, on m’a glissé à l’oreille que pour vivre vieux, et donc goûter nos vins qui reposent paisiblement, il faut prendre des douches froides (humm… moui), manger du chocolat noir amer (oui ! oui !) et faire beaucoup l’amour (***) ! Alors je me dis qu’à moins d’observer un (autre) cataclysme mondial, on devrait pouvoir s’en sortir.
Ecoutons donc les sages paroles du vigneron : si l’on n'a pas besoin d’être gynécologue pour faire l’amour, on n'a pas besoin d’être œnologue pour déguster. Alors tous à vos verres (soufflés bouche), portons un toast à la relation tumultueuse et passionnelle que nous entretenons avec le vin, qu’il soit jeune ou vieux, explosif ou timide et promettons-nous d’aimer à tout âge !
* De l’Orée 2001 - Ermitage Blanc
* Certaines idées sont nourris des propos passionnés de Michel Bettane et Michel Chapoutier
Pour les grandes occasions, vous pouvez garder dans un coin de votre calepin, l’adresse du restaurant Laurent, un étoilé avec une carte des vins comme il y en a peu paraît-il, ainsi qu’une terrasse offrant une vue superbe sur le Théâtre Marigny pour la saison estivale.
Le Laurent
41 avenue Gabriel - 75008 Paris
01 42 25 00 39