Blanche Neige et...
« Un jour mon prince viendra … ». C’est bien joli les contes pour enfants, mais en attendant, le dit prince charmant n’a toujours pas pointé le bout de son nez. Encore un qui sait se faire attendre. Espérons simplement qu’il aura la jugeotte de se faire connaître avant 2028 pour m’épargner des années à m’empiffrer de pommes Pink Lady en priant pour que l’une d’entre elles soit enfin empoisonnée (E-coli??)
Pourquoi des pommes empoisonnées? Quel lien incongru avec le prince ? C’est pourtant simple, on me dit souvent que je ressemble à Blanche Neige : les cheveux noirs ébène (ok, plutôt châtains foncés), la peau blanche comme la neige (exception faite de quelques tâches de rousseur parsemées) et les lèvres rouges comme le sang (j’ai un excellent rouge Chanel à vous conseiller). Alors je rêve un peu… Non pas d’une robe jaune et bleue aux manches ballon, trop démodée, ni des sept nains qui ronchonnent, éternuent et donnent des leçons ; mais plutôt d’un Prince Charmant qui viendrait me chercher sur son grand étalon blanc.
Peut-être l’as-tu déjà croisé, me susurre-t-on. Ne serait-il pas Christian de Portzamparc ou bien Pierre Lurton sur leur grand Cheval Blanc? L’un le magnifie en bâtissant un chai d’un modernisme époustouflant tandis que l’autre le sublime par son inimitable talent d’œnologue. D’autant plus que ces deux-là ont tout compris. Si le premier rend hommage aux femmes en dessinant un bâtiment aux courbes majestueuses et des cuves prenant la forme d’une gracieuse chute de reins, le second, lui, nous enivre de son discours dans lequel il explique avec humilité le parallèle entre ce grand vin et la haute couture, où les finitions sont habilement cousues à la main.
Un chai comme celui-ci, audacieux et sobre, à l’image de son château, on le bichonne, on l’inaugure, on le présente avec emphase. Ainsi, une coupe de Dom Pérignon 2002 à la main, fin, aromatique et légèrement toasté, on admire du haut du toit une vue imprenable sur le plateau de Saint-Emlion - Pomerol, où se répondent avec élégance, les plus grands crus de la région.
Le soleil chauffe, la faim se fait sentir et la Blanche Neige qui sommeille en moi rêve de se mettre quelque chose sous la dent. Et que pourrait-on imaginer de plus délicieux qu’une côte de bœuf au gros sel et un verre de Cheval Blanc 2000, le premier grand millésime de ce siècle. Rien de plus merveilleux que de déguster un vin sur ses terres, on y retrouve toute la délicatesse, la texture intense et le fruit opulent provenant du sol que l’on foule.
Bien que très concentrée sur chacune des gorgées que j'absorbe, je vois Pierre Lurton passer au loin, et telle une groupie, je m’empresse. Comment attirer son attention ? Un grand sourire ? Feindre l’évanouissement ? Restons classique, et présentons-nous simplement. Gagné ! Prénom joliment écorché, compliment galamment prononcé, je repars joyeuse comme une gamine qui serrerait fort entre ses doigts l’autographe de Leonardo Di Caprio.
De retour à Paris, je réalise que le conte de fée a pris fin, que ces chais renversants et ces vins à tomber n’ont pas fait avancer ma quête du prince charmant. Mais alors, faut-il arrêter d’y croire ? Loin des féeriques vignes girondines, je me dis qu’ici aussi, on peut continuer à rêver d’architecture, de vin et de prince charmant. Un petit tour dans les galeries design parisiennes et des expériences vineuses intrigantes. On boude les grands crus et on essaye des vins nature bordelais… L’Homme Cheval vous connaissez ? Il y a un peu d’homme (charmant ?) et de cheval (blanc ?).
Mais en attendant, je ferme les yeux, je croque dans la lisse pomme rouge pour que recommence ce songe trop vite envolé et que vienne m’emporter mon prince au Cheval Blanc.