Restons nature
Ce matin, j'ai la sensation d'avoir été mise en orbite. La tête qui tourne un peu, les idées dans une nébuleuse, les yeux qui brillent comme la voie lactée… Je ne sais plus trop dans quel univers je suis. Qui a dit qu’il suffisait de se coucher tôt pour être en forme ? Si j avais su que cela entrainait des réveils aussi embrumés, j’aurais sans hésiter lancé un autre épisode de Californication pour veiller un peu.
A force de trainer, les aiguilles de l’horloge filent à la vitesse de la lumière. Je m’éclipse alors en un quart de seconde, oubliant la moitié de mes affaires éparpillées dans le Big Bang qu'est devenue ma chambre. Entre deux pas de course, je jette un œil dans l’une des vitrines fraichement nettoyée pour capter mon reflet et réaliser avec effroi que je n’ai même pas pris le temps de mettre un coup de Rimmel…
Alors ça, pour être nature, je suis nature ! Moins fardée qu'un grain de raisin à la peau lisse et fraichement baigné par la rosée. Mais finalement, cela tombe bien d'être au naturel, car ce soir je dine chez Saturne.
Le soleil commence à peine se cacher et je ne suis toujours pas redescendue sur Terre. Un vrai satellite! Pas Titan non, non... Bien mieux que ça. Je retrouve deux jolies blondes avec qui nos formons un parfait trio, les trois petites lunes Méthone, Anthée et Pallène, qui gravitent dans cette décoration à l’état brut, ce style lisse aux murs blancs, encore doucement éclairés par le puits de lumière au plafond.
Je glisse à mes compagnes qu'il parait que le chef, Swen, cuisine le produit dans son plus simple appareil. Les filles pouffent (évidemment), et je suis obligée de remettre les choses à leur place en expliquant que non, Swen n’est pas tout nu sous son tablier, mais qu’il met savamment en valeur les qualités intrinsèques des produits. C’est pourquoi cette sardine grillée est si savoureuse, cette mousse de lentilles si onctueuse et ces asperges aux subtiles miettes de foie gras un vrai régal !
Pour le vin, nous nous en remettons aveuglément au sommelier, qui après avoir fouiné dans cette magnifique bibliothèque de vins revient vers nous avec une intéressante proposition, très « Loire Valley ».
Un verre de Romorantin de chez Claude Courtois pour commencer sur une touche surprenante et fraiche, avec une pointe de salinité qui donne un peu de piquant, pour ensuite continuer notre route vers une autre découverte, un Pineau d’Aunis des Vignes de l’Angevin. Une étiquette électrique pour cette cuvée Les Regards du Loir aux fins arômes fruités. Pas d’appellation, pas de soufre, un Vin de France au naturel nous glisse notre voisin, qui n’est autre que le vigneron et qui vient, lui aussi, se pourlécher avec les petits plats de Swen.
Mes lunes et moi-même nous concertons, et je crois que, tout compte fait, cela nous effraie un peu les vins nature… Toujours sur le fil du rasoir, ils semblent être à la merci de leur fragilité. Si un coup de Rimmel aurait donné un peu plus de chien à mon regard, sans doute qu’une touche de soufre leur donnerait un peu plus de tenue*. Mais cela reste une question de point de vue, car ici on est nature où l’est pas, et quitte à faire l’expérience, autant profiter d’une belle sélection de vignerons talentueux.
En rentrant chez moi, je me félicite d’avoir partagé un petit verre de Cognac Grosperrin avec Méthone pour terminer en beauté le diner, quand je réalise avec horreur que j’ai fait tout le trajet du retour avec ma jupe nonchalamment coincée dans ma petite culotte ! Alors je m'en servirais bien un second, de Cognac Grosperrin, pour oublier cette humiliation. Cette fois-ci, c'est certain, être nature c’est bien, mais il y a des tout de même limites !
Saturne
17 rue Notre Dame des Victoires
75002 Paris
01 42 60 31 90
* Attention! Mon analogie entre mascara et soufre ne vaut que pour la fluidité du texte. Bien entendu, une touche de soufre n'est en rien du maquillage, cela sert à préserver la qualité des vins